Le défendeur est accusé d'avoir circulé à une vitesse de 154 km/h dans une zone où la limite permise est de 90 km/h. Le défendeur invoque la défense de nécessité. Il ne conteste pas les éléments de l'infraction.
La Cour suprême s'est penchée sur la défense de nécessité dans les arrêts Morgentaler, Perka et Latimer. Cette défense correspond à une excuse, et non à une justification. Un acte qui contrevient à la loi, mais qui est jugé «bon» par la société implique une justification. Lorsque l'acte posé est «mauvais», mais qu'il ne devrait pas être attribué à son auteur en raison des circonstances, on parle d'excuse. La défense de nécessité comporte trois conditions d'application. Il doit d'abord y avoir un danger imminent. En outre, celui qui invoque la défense ne devait pas avoir d'autres solutions raisonnables et légales. Enfin, le mal infligé doit être proportionnel au mal évité. Les deux premiers critères doivent être évalués selon une norme objective modifiée. L'évaluation du dernier critère se fait quant à elle en fonction d'une norme objective. Comme dans le cas de toute excuse générale de common law, il suffit de soulever un doute raisonnable sur chacun des critères de la défense de nécessité pour s'en prévaloir.
Alors que le défendeur circulait sur la route 104 pour se rendre à son club de tir à l'arc, il s'est fait talonner agressivement par une autre voiture sur plusieurs kilomètres. Il a tenté de ralentir à deux reprises. Il a également changé de voie à quatre occasions pour laisser passer l'autre conducteur, mais sans succès. Le défendeur a progressivement augmenté sa vitesse, sans vraiment consulter son odomètre. Il a continué d'être suivi de très près jusqu'à ce qu'il arrive à proximité du véhicule de police. À ce moment, l'autre conducteur a fait demi-tour. Le policier a remarqué que le défendeur semblait être calme lors de l'interception. Même si cette constatation nuit quelque peu à la crédibilité du défendeur, il faut retenir que, dans l'ensemble, le défendeur est crédible. Le policier a confirmé qu'un second véhicule suivait le défendeur et que celui-ci a fait demi-tour. Le défendeur dit avoir craint que l'autre conducteur puisse vouloir s'emparer de l'arc qui se trouvait dans un étui sur le siège arrière de sa voiture. Cette considération est de nature à avoir exacerbé la perception du risque qu'avait le défendeur. Dans les circonstances, le critère du danger imminent est rempli.
Il convient de faire preuve d'une certaine réserve au moment de statuer sur l'existence d'autres solutions légales et raisonnables. Il est effectivement plus facile de juger d'une situation a posteriori que cela ne l'est dans le feu de l'action. Dans les circonstances de la présente affaire, le tribunal est d'avis que le défendeur n'avait pas d'autres solutions légales et raisonnables. Il est utile de préciser que le défendeur n'aurait jamais été menacé de la sorte, sauf à une autre occasion. Le défendeur a vraisemblablement accéléré de façon inconsciente, en raison de son état de panique ou de crainte. Il a infructueusement tenté d'autres solutions, en changeant plusieurs fois de voie pour laisser passer le véhicule. On ne peut lui reprocher de ne pas s'être rangé sur l'accotement ou de ne pas avoir téléphoné au 911. Par conséquent, le second critère est respecté.
Enfin, le mal évité était ici proportionnel au mal infligé. Les événements se sont produits un dimanche matin, alors que la circulation n'était pas dense. L'accident qui aurait pu être occasionné par la vitesse élevée du défendeur semble à peu de chose près identique à celui qui aurait pu découler de la conduite agressive de l'autre conducteur. Cela s'ajoute au fait que, de façon objective, la «fuite en avant» est un réflexe humain typique dans certaines situations apeurantes.
Vu ce qui précède, le tribunal conclut que le défendeur a démontré la vraisemblance de la défense de nécessité. En somme, tout semble indiquer que le comportement du défendeur était involontaire. Celui-ci est donc acquitté de l'accusation portée contre lui.
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