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La salariée a manqué à son devoir de loyauté post-emploi en se précipitant sur les réseaux sociaux, un mois et demi après son licenciement, pour attirer ouvertement l’attention de façon négative sur son ex-employeur.

Résumé de décision : Digital Shape Technologies Inc. c. Mikulec, C.S., 26 février 2020
La salariée a manqué à son devoir de loyauté post-emploi en se précipitant sur les réseaux sociaux, un mois et demi après son licenciement, pour attirer ouvertement l’attention de façon négative

Digital Shape Technologies inc. (DST) et son président (Nikolajev) réclament 100 000 $ chacun à Kelly Mikulec, une ex-employée de DST, en raison de commentaires publiés par celle-ci sur les sites RateMyEmployer et Glassdoor. Ils soutiennent qu’elle a récidivé lorsque, dans sa procédure judiciaire, elle a continué à tenir des propos diffamatoires à leur endroit. Ils lui reprochent aussi d’avoir violé son obligation de loyauté. Mikulec reconnaît être l’auteure des commentaires litigieux (les Propos). Toutefois, elle plaide qu’elle n’a fait que partager son point de vue sur son expérience chez DST. Elle ajoute que, même si elle n’a commis aucune faute, elle a retiré les Propos dès qu’elle a été mise en demeure de le faire. Jugeant abusive la poursuite dirigée contre elle, elle se porte demanderesse reconventionnelle pour réclamer 120 000 $ aux demandeurs.

Mikulec a manqué à son devoir de loyauté envers DST en publiant les Propos, qui portaient essentiellement sur la gestion, l’atmosphère et les conditions de travail chez DST. Le devoir de loyauté persiste pendant un certain temps après la fin d’emploi. Or, il n’est pas loyal de se précipiter sur les réseaux sociaux pour attirer ouvertement l’attention de façon négative sur son ex-employeur, un mois et demi après son licenciement. Il s’agit là d’une faute contractuelle. Par contre, après analyse, on ne peut conclure que les Propos étaient diffamatoires. La perception d’avoir été intimidée par la direction est une exagération tolérable. Il en va de même du processus soi disant bâclé d’entrevue. Le jugement que Mikulec porte sur son embauche peut paraître sévère, mais il n’apparaît pas illégitime. Ses propos généraux («  no culture, no values  » et «  I’m not optimistic about the outlook of this compagny  ») sont, au même titre que le commentaire «  horrible place to work  », une conclusion de son expérience globale de travail. Elle est libre d’exprimer son opinion sur le sujet. Bref, pris dans leur ensemble, les Propos envoient un message qui, bien que désagréable pour DST et son président, n’est généralement pas faux en regard de l’expérience de Mikulec chez DST. Certes, il y a des exagérations, mais on ne peut conclure de l’ensemble à l’existence d’une faute, vu le droit à la liberté d’expression de Mikulec.

Nikolajev affirme que la défense et demande reconventionnelle de Mikulec contient des allégations qui sont diffamatoires à son endroit. Les allégations des par. 45 et 51 ne sont prima facie ni fausses ni dénuées de pertinence, compte tenu de la position de Mikulec voulant que la poursuite des demandeurs soit abusive. Par contre, l’allégation qui énonce que Nikolajev traite ses clients de « bastards » est fausse, diffamatoire et malicieuse.

Mikulec a donc commis deux fautes à l’endroit des demandeurs. Cependant, ces derniers n’ont pas prouvé qu’ils en avaient subi des dommages. Aucune preuve d’un préjudice découlant de la diffamation contenue dans la procédure n’a été administrée. Pour ce qui est de la violation de Mikulec à son obligation de loyauté, Nikolajev ne peut avoir subi de dommage, puisque l’obligation de loyauté existait à l’égard de DST. De plus, les Propos ne le visaient pas et il eut fallu au lecteur faire une recherche sur la structure corporative de DST pour découvrir le rôle qu’il joue au sein de la compagnie. Quant à DST, vu la preuve soumise, il est opportun de lui octroyer la somme symbolique de 1 $. Rien ne permet toutefois d’octroyer des dommages punitifs.

Vu les conclusions qui précèdent, il est impossible de souscrire à la prétention de Mikulec que la poursuite intentée contre elle est manifestement mal fondée et donc, abusive. Ses réclamations fondées sur l’abus de procédure sont conséquemment rejetées. De toute façon, elle n’a pas prouvé les dommages qu’elle allègue avoir subis.

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