Pierre Paquet réclame à son ex-employeur (Univins) et à l’actionnaire de celle-ci (Vini Quatro) une indemnité tenant lieu de délai de congé équivalant à deux années de salaire, à la suite de son congédiement survenu en février 2018. Il occupait alors le poste de vice-président Finances et Administration d’Univins, une agence de représentation de producteurs de vins et de spiritueux. Il leur réclame en outre des dommages moraux et punitifs au motif que son congédiement a été fait de manière intempestive et avec mauvaise foi. Daniel Richard, le président fondateur d’Univins et l’actionnaire et administrateur unique de Vini Quatro, explique qu’il avait un motif sérieux pour congédier Paquet sans lui donner de délai de congé : celui-ci a manqué à son obligation de loyauté. Il nie par ailleurs avoir agi de manière abusive et avoir porté atteinte à ses droits.
Après analyse, il faut conclure que Paquet a été congédié sans motif sérieux. Il appert que Richard a pris la décision de le congédier en présumant qu’il avait transmis de l’information confidentielle à des tiers. Il n’avait aucune preuve d’un tel agissement de la part de son bras droit et il n’a pas vérifié auprès de lui avant de lui annoncer qu’il était congédié avec effet immédiat. Par ailleurs, le simple fait que Paquet ait indiqué à Richard qu’il avait l’intention de former un groupe pour lui faire une offre ne suffit pas à justifier un congédiement, car cela ne constitue pas en soi une violation de l’obligation de loyauté. Si Richard, en raison notamment des difficultés auxquelles Univins faisait alors face, ne désirait plus vendre son entreprise dans un horizon plus ou moins lointain (alors qu’il explorait encore des possibilités à cet égard quelques mois auparavant), il n’avait tout simplement qu’à le dire à Paquet lorsque ce dernier lui a indiqué être intéressé à racheter sa participation avec d’autres. En réalité, Paquet a fait précisément ce qu’il devait faire en un tel cas, soit aviser Richard de ses intentions avant d’aller plus loin. Or ce dernier, plutôt que de dire que cela ne l’intéressait pas, n’a rien dit sur le moment. Trois jours plus tard, sans preuve de faute, il a avisé Paquet qu’il était congédié sur-le-champ sans lui donner la chance de s’expliquer.
Paquet avait 59 ans au moment du congédiement et il occupait un poste hiérarchique important. En réalité, il était une personne-clé d’Univins et il pouvait légitimement s’attendre à y terminer sa carrière active. Il possède une expérience importante dans le monde des affaires, mais il reste qu’il ne détient pas de diplôme. Malgré ses recherches et en dépit d’un bon réseau de connaissances, il n’a pas réussi à trouver un nouvel emploi et a donc dû se résoudre, pour gagner sa vie, à mettre sur pied une entreprise de rénovation résidentielle avec son épouse. En revanche, il n’a travaillé pour Univins que pendant deux ans et trois mois. Au surplus, il n’a pas quitté un emploi pour se joindre à Univins, ayant commencé à travailler pour elle alors qu’il était à la recherche d’un emploi. Dans les circonstances, un délai d’une durée de dix mois est approprié.
L’indemnité doit être calculée en tenant compte de la rémunération annuelle globale de Paquet, ce qui inclut son salaire de base (130 000 $), sa gratification annuelle (bonus), que le tribunal fixe à 30 000 $ pour l’année 2018, et la valeur de ses avantages sociaux, y compris l’allocation annuelle de 2 000 $ pour l’achat de vin. Ces montants totalisent 169 750 $. C’est donc une indemnité de 141 458,33 $ que les défenderesses devront solidairement lui payer.
La preuve n’établit pas que le congédiement a été effectué d’une manière dégradante ou humiliante. Par contre, il peut également y avoir abus de droit « lorsque l’employeur laisse planer, à tort, des doutes sur l’intégrité de son employé ». C’est le cas ici. En effet, dans son témoignage, Richard a indiqué qu’il avait mentionné aux autres membres du comité de direction d’Univins qu’il avait congédié Paquet parce que ce dernier avait agi avec malhonnêteté envers l’entreprise. Or, cette accusation était inexacte. Surtout, comme on l’a dit, elle a été faite sans qu’aucune vérification des faits n’ait été effectuée. Il y a donc eu abus de la part de l’employeur dans la façon dont le congédiement a été annoncé au comité de direction. Par contre, la preuve révèle que Richard est resté discret sur les motifs ayant donné lieu à la cessation d’emploi de Paquet à l’égard des autres personnes, incluant leurs amis communs de l’époque, sauf à l’égard de deux amis proches. De plus, la cause du congédiement dans le relevé de fin d’emploi a été « ne convient plus aux exigences du poste », ce qui ne causait pas de dommage à la réputation de Paquet. Dans ces circonstances, il est approprié de limiter le montant des dommages moraux à la somme de 7 500 $, pour compenser Paquet des dommages causés à sa réputation. La réclamation de dommages punitifs est toutefois rejetée, car rien de permet de penser que Richard ait intentionnellement cherché à violer les droits fondamentaux de Paquet. Les autres réclamations sont mal fondées et sont rejetées.