En matière de vices cachés, il existe une règle voulant que des vices apparents puissent être considérés comme étant juridiquement cachés si le vendeur a fait de fausses représentations à son acheteur, qui ont eu pour effet de l’induire en erreur et de lui procurer un faux sentiment de sécurité.
En pratique, cette règle est souvent invoquée lorsque le vendeur a volontairement induit en erreur son acheteur, qu’il a commis un dol. Toutefois, la question se pose à savoir si cette règle s’applique également lorsque les représentations fausses et/ou erronées ont été faites de bonne foi par le vendeur ou si cette règle ne s’applique qu’en cas de dol par ce dernier.
Dans la décision Wilhelm Ahlfors c. Crevier (EYB 2016-267005 – Texte intégral | Fiche quantum), le demandeur allègue la présence de plusieurs vices cachés dans l’immeuble qu’il a acquis des défendeurs et leur réclame des dommages-intérêts notamment pour le coût des travaux correctifs requis par l’état de l’immeuble.
L’un des vices cachés allégués concerne le système de drainage déficient à plusieurs égards et qui est la cause probable de l'infiltration d'eau au sous-sol. Il semble que la conception du système de drainage contrevient aux règles de l'art et aux normes de construction en vigueur. Selon la Cour, ce vice n'était pas connu de l'acheteur au moment de la vente, car son ampleur et son importance n'ont pu être découvertes qu'à la suite d'une excavation le long du mur arrière.
Au surplus, il y avait également une problématique de moisissures au niveau du sous-sol, que les vendeurs étaient censés avoir réglée. Bien que cette problématique ait été portée à la connaissance de l’acheteur avant la vente, les travaux correctifs de décontamination et de restauration du sous-sol entrepris par les vendeurs avant la vente n'ont pas été réalisés adéquatement, contrairement à leurs représentations en ce sens.
La particularité de cette affaire est qu’au moment de l’achat, alors que l’acheteur savait que l’immeuble qu’il s’apprêtait à acheter avait subi d’importants travaux visant à enrayer les problèmes de moisissures et d’infiltrations d’eau au sous-sol, les vendeurs avaient assuré à l’acheteur que les moisissures avaient été éliminées, créant ainsi un sentiment de sécurité chez l’acheteur au moment de l’achat de l’immeuble.
Le tribunal, présidé par l’honorable Chantal Châtelain, j.c.s., souligne que ces représentations spécifiques des vendeurs ayant eu pour effet de rassurer l’acheteur sont assimilables à l’octroi d’une garantie conventionnelle.
Il convient de souligner que la Cour retient que ces représentations spécifiques des vendeurs ont été émises de bonne foi par ceux-ci à l’acheteur.
En effet, même en l'absence d'intention malveillante ou de dol des vendeurs, leur responsabilité est engagée en raison de leur empressement à en finir avec la résidence et le manque de supervision de la phase la plus critique des travaux de décontamination alors qu’ils étaient propriétaires de l’immeuble.
La Cour souligne entre autres :
[174] Il est malheureux que les Vendeurs aient investi, avant la vente de la résidence, une somme considérable pour effectuer des travaux correctifs et pour la restauration du sous-sol sans s'assurer que la cause des infiltrations d'eau était corrigée et que la décontamination avait préalablement été effectuée avec succès.
[175] Comme le souligne l'Acheteur, si les Vendeurs avaient suivi les recommandations d'Enviro-Option du 11 juillet 2008 qui détaillaient la marche à suivre avant de procéder à la finition du sous-sol afin de s'assurer de la résolution des problèmes de moisissures, il est probable que les inconvénients considérables subis par l'ensemble des parties auraient été évités.
[176] Or, l'empressement des Vendeurs d'en finir avec la résidence et le manque de supervision de la phase la plus critique des travaux de décontamination fait en sorte que leur responsabilité est engagée.
[177] À ce sujet, le Tribunal est d'avis que leur responsabilité quant à la suffisance des travaux de décontamination du sous-sol relève à proprement dit de la garantie conventionnelle, plutôt que de la garantie de qualité du vendeur. Ainsi, les Vendeurs doivent être tenus responsables du manquement à leur obligation de délivrance et des dommages résultant de ce manquement.
La Cour ajoute que même si la question était analysée sous l'angle de la garantie légale de qualité, le tribunal aurait conclu que la situation du sous-sol aurait véritablement constitué un vice caché couvert par la garantie légale de qualité de 1726 du Code civil du Québec :
[183] Ensuite, quant au caractère caché du vice, quoiqu'un examen plus poussé de la part de l'Acheteur aurait pu révéler le fait que la décontamination du sous-sol n'avait pas été effectuée adéquatement, les assurances données par les Vendeurs, même de bonne foi, quant au fait que les moisissures présentes avaient été éliminées constituent des représentations qui ont créé chez l'Acheteur un sentiment de fausse sécurité le justifiant de ne pas pousser son examen plus loin.
[…]
[185] Ainsi, même à supposer que le vice était apparent, les représentations des Vendeurs ont eu pour effet le rendre juridiquement caché.
[186] De plus, même si le caractère inconnu du vice s'évalue en fonction d'une norme subjective, aucune présomption de connaissance ne pèse sur l'acheteur, lequel est toujours présumé de bonne foi. Or, en l'espèce, les Vendeurs n'ont pas prouvé que l'Acheteur avait une connaissance du vice du seul fait qu'il a une formation scientifique et une prédisposition aux allergies.
Dans ce contexte, la Cour estime que les représentations des vendeurs, selon lesquelles les moisissures avaient été définitivement éliminées, ont créé un sentiment de fausse sécurité chez l'acheteur, justifiant qu’il ne pousse pas son examen plus loin, rendant ainsi le vice apparent juridiquement caché, même si les vendeurs n’avaient aucune intention malveillante.
Ainsi, il n’est pas nécessaire que les représentations/déclarations erronées, fausses ou inexactes aient été faites de mauvaise foi par le vendeur pour que le vice apparent puisse être considéré comme étant juridiquement caché, si telles représentations/déclarations ont eu pour effet d’induire l’acheteur en erreur et de lui procurer un sentiment de fausse sécurité, qui a eu pour effet d’anesthésier tout doute raisonnable qu’un acheteur prudent et diligent pouvait avoir dans les circonstances.
Malgré l’existence de la règle voulant que des représentations fausses et erronées du vendeur puissent rendre un vice apparent juridiquement caché, cette décision nous enseigne qu’il n’est donc pas nécessaire que le vendeur ait commis un dol ou qu’il ait agi de mauvaise foi envers son acheteur pour donner ouverture à cette règle.
La décision Beloghi c. Nelson (EYB 2013-219407 – Texte intégral | Fiche quantum), rendue en 2013, avait d’ailleurs souligné ce principe :
[32] Avec respect pour l'opinion contraire, la déclaration de la défenderesse relative à son toit, était erronée.
[33] Les propos rassurants de la défenderesse, même de bonne foi, ont rendu ce toit, qui aurait pu être un vice apparent, en vice caché.
Toutefois, et comme nous l’avons souligné dans un billet précédent qui traitait de la décision Duplain c. Roy (EYB 2016-268849 – Texte intégral | Fiche quantum), malgré le principe voulant qu’un vice apparent puisse être qualifié de juridiquement caché si l’acheteur s’est renseigné et que le vendeur l’a induit en erreur, les fausses représentations du vendeur n’autorisent pas l’acheteur à agir avec imprudence et à faire fi des indices/signes annonciateurs : l’obligation de l’acheteur d’agir en acheteur prudent et diligent demeure. Plus particulièrement, même si un vendeur fait de fausses représentations, cela ne dispensera pas l’acheteur de remplir les obligations légales qui lui incombent et d’investiguer si nécessaire en présence d’indices/signes annonciateurs d’un vice.
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