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Affaire MLS : la jurisprudence reconfirme que ce n’est pas le contenu de toutes les bases de données qui s’avère protégé par le régime des droits d’auteur

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Affaire MLS : la jurisprudence reconfirme que ce n’est pas le contenu de toutes les bases de données qui s’avère protégé par le régime des droits d’auteur

La Cour suprême du Canada mettait fin il y a quelques jours à une affaire qui traine en longueur depuis un bon moment, relativement à la republication de données de prix auxquels des propriétés immobilières ont été vendues. Tout ce que la Cour suprême a eu à faire à ce sujet, c’est de refuser la permission que demandait la Toronto Real Estate Board (le « TREB ») de porter en appel une décision récente de la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») . Refusant cette permission, la décision de la CAF de décembre dernier devient le dernier mot sur cette affaire.

L’affaire en question opposait la TREB à l’Association canadienne de l’immeuble (l’« ACI »), une organisation qui œuvre aussi dans le domaine de l’immobilier (dont à Toronto). En effet, ACI voulait republier les données de prix de vente des maisons qu’elle pigeait dans la base de données du TREB (une base de données nommée « MLS ») à laquelle elle était abonnée, geste que lui interdisait la politique d’accès à cette base de données.

La question intéressante pour nous quant à cette affaires était la suivante : une entreprise offrant l’accès à une base de données peut-elle interdire d’en republier certains renseignements précis par Internet, sur la base de sa détention de droits d'auteur quant à cette compilation de données ? Peut-on valablement interdire de republier des renseignements spécifiques simplement parce qu’ils ont été puisés dans une base de données que l'on a créé ? Plus précisément, suffit-il de verser des renseignement dans une base de données comme MLS pour pouvoir ensuite prétendre détenir des droits d'auteur quant à ceux-ci ?

Devant la CAF, la question a été traitée notamment du point de vue du droit de la concurrence, un aspect dont nous traiterons pas ici parce qui s’avérera pertinent dans un nombre limité de contextes factuels. Aspect plus pertinent, la décision de la CAF traite aussi des prétentions du TREB que les restrictions (sur la republication des données de prix) sont justifiables (juridiquement) pour la protection des renseignements personnels et celle de ses droits d’auteur dans MLS, une base de données qu’elle a compilée au fil du temps.

La CAF traite de la question de protection des renseignements personnels, en se déclarant d’accord avec le tribunal initial, à l’effet qu’assumant même que le prix de vente d’une propriété est un renseignement personnel, en inscrivant leur propriété, les propriétaires ont tous donné leur consentement à la diffusion de l’information en question. Puisque la convention d’inscription contient une clause permettant l’utilisation et la diffusion de l’information, on peut difficilement se plaindre d’une diffusion quelconque des renseignements en question, par Internet ou autrement. Qui plus est, le tribunal remarquait ici que les renseignements en question étaient rendus publics sous le régime de la loi provinciale sur l’enregistrement immobilier, une conclusion qui clôt le débat sur cette question : non, il n’y a pas de motif approprié de bloquer la rediffusion de prix de vente en se basant sur des arguments liés à la protection des renseignements personnels.

La CAF traite ensuite de la question des droits d’auteur sur la base de données MLS. Pour ce faire, la décision confirme essentiellement la décision de première instance sur cette question, à l’effet que le TREB n’a pas de droits d’auteur sur la base de données MLS. Pour arriver à cette conclusion, le tribunal examine la jurisprudence traitant d’application ou non du régime des droits d’auteur aux bases de données, qui conclut au fait que si la création de la base de données ne requiert que « des modifications mécaniques », on ne conclura pas à une œuvre originale. En d’autres termes, pour pouvoir prétendre à des droits d’auteur quant au contenu d’une base de données, une entreprise doit avoir fait un travail quelconque qui dépasse verser les données bêtement dans sa base de données, i.e. une opération purement mécanique. Ici, malheureusement pour le TREB, la preuve démontrait que « la compilation particulière de données faite par le TREB à partir des inscriptions immobilières équivaut à un exercice mécanique ». Ce faisant, le TREB ne peut pas prétendre posséder de droits d’auteurs quant au contenu du MLS, désolé.

Cette affaire vient réaffirmer qu’en vertu du droit canadien, il ne suffit pas de créer une base de données de renseignements pour pouvoir prétendre à l’existence de droits d’auteur dans la compilation de ces données. Encore faut-il que des êtres humains aient exercés des choix ou une sélection et/ou un arrangement particulier qui pourrait y apport une certaine part d’élément créatif. Si vous vous contentez de numériser le bottin téléphonique et d'en placer les renseignements dans une base de données, vous seriez bien mal venus de prétendre empêcher des tiers de republier ces numéros.

Des abonnés au MLS peuvent donc allègrement repiquer l’information trouvée dans cette base de données. Du point de vue du droit d’auteur, cela ne présente aucun problème.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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