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Annulation d’un enregistrement de marque de commerce obtenu de mauvaise foi : une première au Canada

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Annulation d’un enregistrement de marque de commerce obtenu de mauvaise foi : une première au Canada

En 2019, la Loi sur les marques de commerce (la « LMC ») canadienne est largement amendée, incluant en y ajoutant un certain prérequis de bonne foi de la part de ceux qui déposent des demandes d’enregistrement. Depuis, les tiers intéressés peuvent contrer certains tiers qui tenteraient d’abuser du système d’enregistrement, incluant quant à des marques bien connues, par exemple. C’est grâce à ce nouveau prérequis, qu’un tribunal canadien a justement récemment annulé l’enregistrement qu’avait obtenu un individu espérant extorquer l’entreprise dont il avait piraté la marque.

La décision en question, Beijing Judian Restaurant Co. Ltd. c. Meng (2022 FC 743), implique une chaîne de restaurants chinoise bien connue là-bas et dont la marque avait été enregistrée par un certain M. Meng, au Canada. Le malfrat avait ensuite exigé plus d’un million de dollars en échange de « son » enregistrement à défaut il entendait les bloquer au Canada. Essuyant un refus de la part de la chaîne de restaurants visée, l’individu sans scrupule s’empresse alors de tenter de vendre « son » enregistrement, au plus offrant, sur Internet.

Eh oui, ce genre de choses peut réellement se produire, même ici !

Heureusement, la LMC contient désormais le paragraphe 18(1)(e), lequel prévoit qu’un enregistrement s’avère invalide si : « la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi ». Grâce à cette nouvelle disposition, la chaîne de restaurants peut donc intenter des procédures contre M. Meng, en Cour fédérale, afin de faire annuler son enregistrement illicite sur cette base.

Au final, compte tenu de la trame de faits, le tribunal a peu de difficultés à conclure qu’on était effectivement ici dans une situation de mauvaise foi, incluant à cause des affirmations et des demandes que M. Meng avait formulé, en essayant de monnayer l’enregistrement sous le couvert de ce qui revenait ni plus ni moins qu’à des menaces.

Puisque, selon les débats parlementaires, on a ajouté le paragraphe 18(1)(e) à la LMC afin de composer avec le problème des tiers enregistrant des marques dans le seul but d’extorquer ou de bloquer des entreprises légitimes, cette affaire semblait toute indiquée pour appliquer la nouvelle prohibition à l’encontre des demandes produites de mauvaise foi.

La décision contient d’ailleurs une discussion intéressante quant à la question de savoir si la croyance réelle d’une personne à l’effet qu’elle disposait du droit d’enregistrer cette marque pourrait la sauver. À tout événement, le tribunal écarte cette possibilité ici, dont parce que M. Meng avait déposé presqu’une vingtaine d’autres demandes visant des marques notoires de restaurants. Sa mauvaise foi s’avérait donc suffisamment apparente pour qu’on puisse y conclure, sans trop de difficultés. Eh oui, clairement, le gus en question avait enregistré cette marque dans le seul but de la revendre à son vrai propriétaire -difficile d’en conclure autrement !

Cette décision nous permet donc de voir que ce nouveau paragraphe de la LMC s’avère effectivement susceptible d’application, à tout le moins dans les cas où on est face à des mécréants dont les intentions abusives font peu de doute. Pirates de marques vous n’avez qu’à bien vous tenir !

Remarquez, bien que cette décision soit encourageante, restera tout de même à voir comment la jurisprudence à venir traitera des cas où les faits, incluant quant aux motivations et à l’intention des auteurs de demandes, s’avèrent moins « caricaturaux », disons. Par exemple, en l’absence de ce qui revient à une demande d’extorsion de la part de M. Meng, le tribunal serait-il parvenu à la même conclusion ?

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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