La Cour supérieure se prononçait récemment suite à une requête en jugement déclaratoire, à l’effet que le registraire des entreprises (le « REQ ») n’a pas le pouvoir de déterminer ce que peut faire un utilisateur du registre des entreprises (l’ancien CIDREQ), une fois qu’il a mis la main légalement sur des renseignements en utilisant le registre.
La décision en question est celle de Opencorporates Ltd. c. Registraire des entreprises du Québec (2019 QCCS 3801), laquelle a été rendue le 6 septembre dernier par la juge Rogers de la Cour supérieure (C.S.).
Dans sa décision, le tribunal se prononce à l’effet que le REQ n’a effectivement pas le pouvoir de forcer l’éditeur OPENCORPORATES LTD. à épurer son immense base de données de renseignements corporatifs. Opencorporates exploite et publie en effet une base de données contenant des centaines de millions de données quant à des entreprise dans 130 juridictions, un outil qu’elle met gratuitement à la disposition du public.
À noter que contrairement au REQ et à Strategis, la base de données en question permet notamment de chercher par nom d’individu. Cela aussi peut s’avérer très intéressant, surtout compte tenu que nos registres d’entreprises canadiennes, eux, ne le permettent généralement pas. Cette contrainte du REQ s’avère d’ailleurs tout à fait intentionnelle, comme le mentionne la juge Rogers dans son jugement.
Cela ne veut néanmoins pas dire que le REQ a nécessairement le pouvoir de dicter à un éditeur comme Opencorporates ce que, lui, peut faire avec les données qu’il a extraites du registre du REQ. Malheureusement pour le REQ, à ce sujet, il faut comprendre que les données dont il se plaint (parce qu’elles sont associées à des fonctions avancées de recherche par Opencorporates) sont légalement en la possession d’Opencorporates, puisqu’elles l’étaient avant que le REQ commence à protéger ses données, notamment en imposant des modalités d’utilisation que tous les usagers doivent accepter.
Ici, puisqu’Opencorporates a mis la main sur ces données avant que le REQ ne les protège, rien n’interdit à l’éditeur de les republier, incluant s’il le désire, en les associant à des fonctions avancées de recherche. Eh oui, cela signifie que les données pré-2017 du REQ peuvent être analysées à l’aide de fonctions qui s’avèrent impossibles sur le REQ, entre autres en cherchant par nom d’individu.
Le tribunal conclut ici que contrairement à la prétention à l’effet contraire du REQ, la Loi sur la publicité légale des entreprises ne peut pas être interprétée comme conférant ce genre de pouvoir au REQ. Le but de cette loi est bien de contraindre le REQ et de protéger le public, pas de permettre au REQ de se faire la police des renseignements des Québécois.