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Organisations de toutes sortes, prenez : la Charte de la langue française v. 3.0 arrive !

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Organisations de toutes sortes, prenez : la Charte de la langue française v. 3.0 arrive !

Comme on s'en souviendra, en 1977, le gouvernement québécois adoptait un projet de loi numéroté « 101 », un projet ayant abouti à une loi désormais affublée du nom de la « loi 101 », bien que possédant bien un véritable nom : la Charte de la langue française (la « Charte »). Comme chacun le sait, la Charte visait (et vise toujours) à promouvoir l'usage de la langue française au sein de la province du Québec, au Canada, de façon à contrer ce qu'on perçoit comme l'assimilation éventuelle, quasi inévitable de dire certains, du français par l'anglais.

En 2019, confronté à un monde des affaires profitant de plus en plus d'une lacune de la Charte, le législateur québécois modifiait la Charte, principalement afin de forcer les commerçants à inclure sur la devanture des commerces des descriptifs en français, augmentant ainsi la visibilité du français dans le commerce.

Puis, récemment, en juin 2022, une nouvelle mouture de la Charte est adoptée, laquelle vient modifier substantiellement la donne pour les entreprises exploitées au Québec. Fidèles à leurs habitudes, les Québécois utilisent largement pour l'instant l’appellation « loi 96 » pour parler du projet de loi 96. Pour nos besoins, appelons-le la Charte version 3.0.

Sans vouloir en faire un examen exhaustif, permettez-moi d'en faire un bref survol. Voici le genre de changements dont on parle ici, en plus de l'augmentation des pouvoirs du chien de garde de la Charte, l'OQLF :

  • l'obligation pour toutes les entreprises exploitées au Québec de voir à servir leur clientèle en français, en lui fournissant toute l’information mise à sa disposition en français ;
  • un changement MAJEUR en matière de marques, à savoir celui de prévoir que l'on considérera dorénavant qu'une marque de commerce (c.-à-d. une créature protégée) n'en est une que si elle est véritablement enregistrée, évitant ainsi dorénavant que les commerçants au Québec puissent continuer à exhiber impunément des marques d’usage anglophones, sans aucune mention en français. Conséquence : toute marque comportant du contenu qui n'est pas en français DEVRA dorénavant être enregistrée en bonne et due forme si l’on veut éviter de faire l’objet de procédures instituées en vertu de la Charte, etc. ;
  • plus encore, le renforcement des règles en matière d'affichage en français (p. ex. pour les enseignes de magasins), en exigeant dorénavant la présence nettement prédominante (disons 2 vs 1) du français sur les devantures de magasins, par exemple (en regardant la devanture en faisant abstraction de la présence de la marque) ;
  • l'obligation, pour les entreprises qui se munissent de contrats d'adhésion (p. ex. des contrats de consommation), de les mettre à la disposition du public québécois en français, comme condition de validité de ces contrats, ni plus ni moins ;
  • la réduction du seuil du nombre d'employés requis pour assujettir une entreprise aux exigences en matière de programmes de francisation, de 50 à 25 ;
  • des obligations plus strictes d'affichage des offres d'emploi en français, en exigeant leur publication d'une façon qui s'avère comparable à la version anglaise, le cas échéant ;
  • un resserrement des critères permettant aux employeurs d'exiger qu'un candidat recherché pour un poste qu'on affiche maîtrise une langue autre que le français ; et
  • l'obligation généralisée pour la plupart des organisations de fournir tout matériel écrit en français à son personnel.
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    On note aussi un ajout très américain à cette nouvelle mouture de la Charte, à savoir un droit d'action privé, lequel permettra aux citoyens qui s'estiment lésés de poursuivre eux-mêmes les organisations délinquantes, soit pour obtenir des injonctions ou des dommages, qu'ils soient punitifs ou autres. Bref, on veut se munir d'un régime que toutes les entreprises et organisations ne seront plus tentées d'ignorer.

    Malgré ce qui précède, notons que la plupart des nouvelles règles sont essentiellement mises sur la glace pour trois ans, jusqu'au 1er juin 2025, afin de donner une chance à toutes les organisations de s’ajuster.

    Et vous, votre organisation est-elle conforme ? À défaut, vous disposez de trois ans pour faire vos devoirs !

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    À propos de l'auteur

    Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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