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Quand le voile corporatif cède devant une amende du CRTC en matière de pourriels

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Quand le voile corporatif cède devant une amende du CRTC en matière de pourriels

On se demandait combien de temps cela prendrait, eh bien nous avons maintenant la confirmation que le CRTC peut effectivement sévir personnellement contre un administrateur et dirigeant d’une société ayant violé la Loi canadienne anti-pourriel (la « LCAP », ou « CASL » de son acronyme en anglais). C’est ce que nous apprend un communiqué du CRTC du 23 avril et confirmant la mise à l’amende de M. Brian Conley, le dirigeant contrôlant un groupe de sociétés faisant affaire sous le nom nCrowd ayant expédié des masses de pourriels à des Canadiens au cours des dernières années.

La décision de non-conformité du CRTC impose ainsi une sanction administrative pécuniaire (une amende) de 100 000 $ à l’individu se cachant derrière un groupe de sociétés délinquantes depuis au moins 2014 en matière de pourriels.

En fait, il semble que la société de M. Conley opérait sous plusieurs raisons sociales, dont nCrowd, Teambuy, DealFind et Dealathons. En fait, le dossier démontre toute une série d’entités exploitées puis abandonnées au fil du temps et faisant graduellement grossir une liste commune d’adresses de courriel, au fil des faillites, des liquidations, des fermetures, de ventes d’actifs, etc.

Le groupe de sociétés expédiait, semble-t-il, des courriels commerciaux non sollicités aux Canadiens, en proposant des bons promotionnels ou des coupons rabais. L’entreprise se serait adonnée à plusieurs campagnes de pollupostage des Canadiens, ce qui lui vaut maintenant une belle amende, compte tenu du fait que la société et M. Conley n’avaient pas obtenu le consentement préalable des destinataires, contrairement à ce que requiert notre LCAP. Le CRTC reproche aussi à l’entreprise et à son dirigeant le fait que le prétendu mécanisme de désabonnement au bas des pourriels en question ne fonctionnait pas correctement.

On peut d’ailleurs consulter en ligne le rapport d’enquête quant à nCrowd et M. Conley. Fait intéressant, l’enquête aurait débuté il y a quatre ans de cela, en avril 2015. Le délai de traitement de ce dossier est notamment la suite de manœuvres corporatives de M. Conley et de ses acolytes.

On peut lire du rapport que les choses suivantes ont notamment mis la puce à l’oreille des enquêteurs quant aux violations à la LCAP :

  • « Le type de consentement pour chacune des 1 928 015 entrées indiquait que le consentement était « explicite », bien qu’il s’agisse d’un nombre considérable d’adresses électroniques génériques ou appartenant à des institutions ou des administrations, notamment des services policiers et hospitaliers (certaines étant accessibles en ligne).
  • La date à laquelle le consentement aurait été obtenu ainsi que le nom de l’entité juridique qui aurait cherché à obtenir, et obtenu, le consentement étaient de toute évidence inexacts ou avaient été altérés. Par exemple, à de nombreuses reprises, des consentements liés à plus de 3 000 adresses courriel ont été obtenus en une seule journée. Plus de 80 % des parties ayant donné leur consentement (1 566 114) l’ont donné le même jour.
  • Le mécanisme d’exclusion non conforme de nCrowd, Inc. était un problème généralisé et récurrent que Brian Conley aurait dû connaître et pour lequel il n’avait pris aucune mesure de résolution. Ce non-respect s’est poursuivi pendant près d’un an; des éléments de preuve indiquaient que même lorsque les employés du groupe nCrowd avisaient les clients qu’ils avaient été désabonnés, tel n’était pas le cas.
  • Aucun élément de preuve n’a permis d’établir que Brian Conley vérifiait ou demandait que l’on vérifie la liste des consentements fournie par le groupe Couch Commerce ou toute autre liste achetée par le groupe nCrowd pour s’assurer de sa validité et de son exactitude.
  • Brian Conley n’a mis en place aucune politique ni procédure visant la conformité du groupe nCrowd à la Loi. »

On reproche aussi à Conley et à ses entreprises d’avoir utilisé des « pixels espions » insérés dans leurs pourriels qui leur permettaient de suivre lesquels de ces pourriels étaient effectivement ouverts, etc.

Il s’agit de la première fois que le CRTC se prévaut des dispositions de la LCAP lui permettant de mettre directement à l’amende les individus qui se cachent derrière des sociétés. Dans les bonnes circonstances (notamment quand on est visiblement en présence de malfrats éhontés), eh oui, le CRTC pourra tabler sur les dispositions de la LCAP pour frapper là où cela fait réellement mal, à savoir le porte-monnaie des individus se cachant derrière les sociétés.

Cela dit, cette page de l’histoire ne révèle pas combien de millions ont peut-être été engrangés par les individus derrière ces entreprises à la morale, disons élastique. Avec la possibilité qu’avait le CRTC d’aller jusqu’à un million par violation, une façon de voir cette décision est que Brian Conley s’en tire plutôt bien, somme toute.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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