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Temps de sortir les poubelles : finalement un mécanisme pour s’attaquer facilement aux marques officielles bidon

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Temps de sortir les poubelles : finalement un mécanisme pour s’attaquer facilement aux marques officielles bidon

Récemment, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») a publié un projet d’énoncé visant à clarifier la pratique qui consiste à présenter une requête visant à faire invalider sommairement une marque officielle.

L’une des particularités du système canadien lié aux marques de commerce implique l’existence d’une créature étrange qu’on nomme les « marques officielles ». Ce type très spécial de marque vise à permettre aux organismes gouvernementaux d’identifier des marques qu’ils s’arrogent, de façon à empêcher dès lors des tiers de les employer. En pratique, ces marques disposent donc d’un statut spécial prisé parce qu’elles sont délivrées par le truchement de formalités passablement plus rapides et simples qu’un enregistrement de marque ordinaire.

Le hic, c’est qu’en principe ce type d’enregistrement n’est ouvert qu’aux « autorités publiques », un concept juridique que les tribunaux ont été amenés à préciser, pour en arriver en 2002 à une définition reposant sur deux critères obligatoires pour l’entité qui tente d’enregistrer une marque officielle (et qu’appliquent le Bureau des marques de commerce, le « BMC ») :

  • le gouvernement exerce un contrôle important sur les activités de l’entité ;
  • ET
  • les activités de l’entité servent l’intérêt public.
  •  

    Par contre, depuis 20 ou 30 ans, pas mal d’organisations et même d’entreprises ont utilisé le régime des marques officielles, parfois sans droit, afin de se ménager un monopole quant à leur marque, en contournant le système normal d’enregistrement de marque de commerce. Évidemment, on pouvait toujours les amener en Cour fédérale quand on voulait faire invalider une telle fausse « marque officielle », mais cela s’avérait souvent prohibitif pour l’entreprise moyenne.

    Résultat, le registre canadien comporte toujours bon nombre de ces marques officielles bidon, sur lesquelles personne ne s’est suffisamment acharné pour les faire déclarer nulles. Pire encore, la Loi sur les marques de commerce (la « LMC ») ne comporte aucune disposition posant une limite de temps aux enregistrements de marques officielles, si bien que le registre s’en encombre de plus en plus, au fur et à mesure que le BMC en octroie.

    Bonne nouvelle à ce sujet, la LMC nous donne désormais une arme additionnelle pour faire invalider les marques officielles factices. Elle dispose en effet maintenant qu’on peut demander au BMC de retirer telle ou telle marque officielle (du registre des marques), parce que l’entité qui l’avait obtenue n’y avait pas droit. D’ailleurs, la LMC prévoit qu’on peut aussi faire une telle demande quand l’entité visée n’existe plus, mais que son enregistrement (zombie) demeure, lui, sur le registre.

    En somme, cette procédure allégée permet finalement de s’attaquer aux fausses marques officielles qui polluent toujours le registre des marques au Canada, dans les cas où le statut d’autorité publique du titulaire (ou son existence continue) s’avère douteux.

    Côté procédure, le projet d’énoncé de pratique publié récemment par l’OPIC prévoit que le requérant doit formuler une requête énonçant un minimum d’information et payer les frais gouvernementaux applicables, afin de déclencher le processus. Il faut alors fournir au BMC la preuve que le titulaire n’est pas une autorité publique ou n’existe plus. Une fois la demande reçue par le BMC et jugée fondée, on enverra au détenteur un avis lui demandant de fournir des preuves de son (prétendu) statut d’autorité publique – à défaut, l’enregistrement sera rayé du registre. Et toc !

    Bref, cet outil s’avère utile, pour les cas où l’on se bute à une marque officielle, à l’instar du recours prévu à l’article 45 LMC concernant les marques qu’on croit ne plus être réellement utilisées en pratique. Oui, on peut dorénavant faire tomber une marque officielle, sans avoir nécessairement besoin d’entamer une procédure devant la Cour fédérale. Il était temps !

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    À propos de l'auteur

    Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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