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Vers une taxe spéciale des services d’accès à Internet ?

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Vers une taxe spéciale des services d’accès à Internet ?

Selon les médias, lors d’une récente conférence de l’International Institute of Communications, le président du CRTC Ian Scott affirmait que son agence milite en faveur d’instituer l’équivalent d’une nouvelle taxe sur les services d’accès à Internet, dans le but d’aider à financer le contenu canadien. Selon lui, notre industrie du contenu a besoin d’un coup de pouce qu’un prélèvement obligatoire sur chaque facture d’un fournisseur de services d’Internet (les « FAI  ou « FSI ) à un consommateur pourrait fournir.

Selon les chiffres recueillis par le CRTC, la facture mensuelle moyenne d’un Canadien pour son accès Internet est de 46 $. Le CRTC affirme qu’y ajouter 1 % (à savoir 0,46 $ par client) s’avérerait négligeable, en permettant de venir en aide adéquatement à nos producteurs de contenu, dans une ère ou une part toujours plus grande de contenu est consommée en ligne. Selon lui, dans la mesure où on taxe déjà les télédiffuseurs et les câblodistributeurs de cette façon (pour soutenir nos producteurs de contenu), les FAI (et leurs clients) devraient aussi contribuer à la chose.

En surface, la position du CRTC vise ainsi à éviter (ou à retarder) ce qu’en anglais on surnomme le « Canconpalypse , ou une disparition complète du contenu canadien (« cancon , dans le jargon de l’industrie), au profit de contenu, lui, produit à l’étranger. Puisque les diffuseurs de télé et de radio se révèlent de moins en moins pertinents dans le paysage canadien (entre autres quant aux revenus qu’ils génèrent), selon le CRTC, il faut trouver une façon de combler le manque à gagner afin de continuer à financer adéquatement notre propre contenu. Sans aide, la production de contenu « Made in Canada  pourrait disparaitre, c’est la crainte du moins.

Bien que le représentant du CRTC évite soigneusement de qualifier cette contribution obligatoire éventuelle de « taxe , dans les faits les commentateurs semblent s’entendre sur le fait que c’est bien ce qu’on propose ici. La position du CRTC sur cette question possède d’ailleurs plusieurs détracteurs, dont ceux qui affirment que, contrairement à la prémisse du CRTC, les chiffres les plus récents de la Canadian Media Producers Association indiquent plutôt que notre production de contenu se porte bien. D’ailleurs, même si ce secteur était en danger, plusieurs autres remettent en question l’idée même de continuer à financer un secteur s’il peine à générer suffisamment de revenus pour être économiquement viable. De leur côté, les FAI font valoir qu’ils contribuent déjà en créant et en maintenant des réseaux de télécommunications dont bénéficie la société canadienne et, donc, qu’ils ne devraient pas à leur tour être visés par de nouvelles taxes.

Si on prend un pas de recul, l’énoncé récent du président du CRTC s’avère en quelques sorte la suite logique de la position qu’adoptait l’agence, au printemps dernier, dans le document de référence publié alors et intitulé Consultation sur l’avenir de la distribution de la programmation au Canada. Comme l’expliquait alors le juriste Michael Geist, la nouvelle position du CRTC renverse celle des vingt dernières années. En adoptant la position que le contenu canadien ne s’avère viable que si le régime règlementaire canadien génère des taxes pour l’appuyer, le CRTC tente de justifier de nouvelles taxes sur tous les produits et services liés à Internet. Cette nouvelle approche impliquerait de modifier la réglementation des télécommunications au Canada, afin d’imposer des taxes liées aux services d’accès à Internet, aux services de diffusion de vidéos en ligne, aux services d’audio par Internet, etc.

En définitive, l’idée que proposait récemment M. Scott n’était en quelque sorte que la suite logique de cette position globale adoptée par le CRTC depuis le printemps 2018. Pour le CRTC, l’avenir canadien implique de taxer tout ce qui touche l’Internet.

Aussi, la question plus large qui s’avère ici pertinente est de savoir dans quelle mesure les Canadiens désirent réellement continuer à financer la création locale de contenu.

Le CRTC doit-il se préoccuper de contenant ou de contenu ? La question se pose aussi.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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